Coronavirus – Dr Bacar Dia : « Il faut envisager le scénario du pire. Je le dis, je le répète. J’insiste »

Invité récemment par Maderpost pour se prononcer sur la propagation du covid-19 et le protocole thérapeutique préconisé par le Pr Didier Raoult et concrétisé au Sénégal par le Pr Moussa Seydy pour traiter la pandémie au Sénégal, l’ancien ministre de la Communication puis des Sports sous l’ère Wade, qui n’avait pas fait dans la langue de bois pour dire ce qu’il pensait de l’approche occidentale notamment française, revient pour avertir et indiquer que la grande erreur sera de faire comme les Européens qui se sont trompés d’approche en ne mettant pas dans l’ordre prioritaire des précautions le port de masque généralisé. Entretien.

Maderpost : Les députés viennent de voter le projet de loi d’habilitation non sans procéder à un amendement, mais le mal n’était-il pas déjà fait avec des leaders de l’opposition qui n’ont pas voté ce qu’ils ont appelé une loi totalitaire ?

Bacar DIA : Comme tout le monde le sait, le Président va légiférer par ordonnance pour exécuter son programme. Pour ce qui nous concerne nous Sénégalais, nous sommes à la troisième loi d’habilitation au Sénégal. Il y a eu la première, celle de pour la sortie de la fédération du Mali, ensuite celle d’après la dévaluation du franc CFA. Enfin, celle d’hier mercredi, avec le Président Macky Sall, pour lui permettre de décider vite et d’aller vite, en théorie tout au moins dans la gestion de la pandémie du covid-19. Maintenant lorsqu’on a tous les pouvoirs, on a aussi celui de se tromper. Ce que je souhaite, c’est que l’Exécutif en fasse un bon usage.

Pendant que des membres de l’opposition et du pouvoir s’expriment sur les divergences dudit projet devenu une loi, les Sénégalais pleurent la mort de Pape Diouf, ancien président de l’Olympique de Marseille, Pape Diouf, première victime du covid-19 !

Je suis triste et attristé par cette nouvelle qui sonne comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. J’ai appris à le connaitre et à le respecter. Alors ministre des Sports, je m’étais rendu à Marseille car il fallait rendre hommage à ce grand fils d’Afrique qui devait, qui doit et devra rester un symbole pour tous les jeunes du monde. Mababa a su démontrer qu’il faut pousser à l’infini les limites du possible. Il dit que pour atteindre et rester à un certain niveau de responsabilité, il faut « savoir donner des coups et en recevoir ». Pape Diouf a un mental de gagnant. Je suis malheureux avec cette nouvelle triste, douloureuse. Si j’en avais le pouvoir, j’aurai décrété un deuil national pour marquer la profondeur de la perte et le symbole que représente et que devra représenter Pape pour les générations présentes et futures. Je ne parlerai jamais de Pape Diouf au passé. Pape nous parlé et à nous de décrypter son message.

Quelles sont les leçons qu’il faut tirer de la mort de Pape Diouf, première victime du covid-19 au Sénégal ?

Que ce virus est contagieux. Qu’il se propage vite. Qu’il est partout et qu’il tue. Le Sénégal et l’Afrique ne sont pas à l’abri de la catastrophe. Cette pandémie est pire que toutes les guerres mondiales que nous avons connues. Notre ennemi est invisible, impitoyable et encore invincible. Il faut agir sur la prévention, multiplier les campagnes de sensibilisation, s’assurer que les populations ont pris conscience de la gravité de l’heure. L’heure est grave, très grave ! Nous devons envisager le scénario du pire ! Les médecins sont au-devant de cette lutte et il faut les mettre dans les meilleures conditions de travail, les rassurer, les motiver

Pensez-vous que le Sénégal n’a pas pris les meilleures dispositions ?

Je dis qu’il faut envisager le scénario du pire. Je le dis, je le répète. J’insiste ! Il faut faire preuve d’anticipation, d’imagination et d’innovation. Et ce à titre, je demande au chef de l’Etat de faire appel l’imagination des Sénégalais, à leur ingéniosité pour inventer des mécanismes de résilience propres. Je ne doute pas que le gouvernement se prépare au pire, que la capacité d’accueil des hôpitaux est augmentée, que les services de réanimation sont renforcés et que les moyens sont mis à la disposition des soignantsMais, quand nous serons à mille malades et plus, si nous n’avons pas déjà anticipé sur la situation, le personnel soignant sera dépassé et le gouvernement aussi.

C’est pourquoi il faut anticiper sur les mesures, les envisager aujourd’hui, en faisant appel tant que cela est possible à nos alliés de la République populaire de Chine, de la Corée qui ont fait face à la crise. Je suis sûr que le gouvernement s’y attèle et c’est bien !

« Si j’en avais le pouvoir, j’aurai décrété un deuil national pour marquer la profondeur de la perte et le symbole que représente et que devra représenter Pape pour les générations présentes et futures. » 

Que pensez-vous du débat sur le confinement et les masques ?

Ma boussole pour la gestion de cette pandémie reste les pays asiatiques. Mr George Gao, directeur général du centre chinois du contrôle et de prévention des maladies est clair : « Ne pas porter de masques pour se protéger du coronavirus est une grande erreur« . Il a raison, car la distanciation sociale reste le principe de gestion de toutes les maladies infectieuses. Elle est le moyen le plus efficace pour contrôler particulièrement les maladies infectieuses respiratoires. Donc nous devons réussir à isoler tous les malades, identifier et placer en quarantaine tous les cas contacts, interdire tous les rassemblements et réduire les déplacements.

Cette démarche est mise en œuvre au Sénégal et c’est bien ! Après quelques tâtonnements, les populations comprennent les mesures et se l’approprient. Dans cette lutte, la police, la gendarmerie et l’armée sont les premiers alliés des citoyens. Le respect des mesures qui visent la distanciation sociale doit faire l’objet de discussions, d’explications sans aucune forme de violence. Je pense que pour l’avenir et pour les mesures de distanciation à venir, il faut chercher un consensus.

Il faut impliquer les collectivités locales, les mouvements des jeunes, des femmes, toute la société civile, dans la mise en œuvre des mesures de distanciation sociale. Il faut mettre dans les quartiers des comités d’identification et de contrôle des contacts. Ces comités pour le contrôle de proximité des contacts peuvent jouer un rôle fondamental. Ils partiraient des chefs de quartier et des chefs de village. Ces comités seront vigilants tout en évitant toute forme de stigmatisation. Ils vont veiller à vulgariser les bonnes pratiques, la gestion des aides et appui du gouvernement et surtout à fabriquer des masques par millions.

Vous avez dit fabriquer des masques par millions ?

Parce que les populations sénégalaises doivent porter des masques. Si je devais choisir le premier geste de prévention je choisirais le port systématique des masques. Nous ferons une grave faute si les populations ne portent pas de masque dans la gestion de la crise. Nous n’avons pas besoin d’être médecin pour le comprendre.

Le virus se transmet par les gouttelettes respiratoires de personne à personne. Le simple fait de parler peut transmettre le virus. De nombreux sujets qui transmettent le virus sont des porteurs sains ou ne présentent pas encore de signes. Ils se déplacent et se retrouvent dans les lieux publics. Un argument majeur en faveur des masques est qu’il peut empêcher les gouttelettes porteuses de virus de s’échapper et d’infecter les autres. Un masque en tissu si on sort dans la rue. Ces masques en tissu, nos artisans, nos tailleurs, en rapports avec nos techniciens peuvent les fabriquer par milliers.

« Nous ferons une grave faute si les populations ne portent pas de masque dans la gestion de la crise. »

 

Je ne veux plus voir les Sénégalais aller dans des supermarchés sans masque. A défaut des masques recommandés nous devons imaginer des masques en tissu pour les courses au quotidien pour protéger les autres contre nos postillons et nous protéger des leurs. Sûrement que les masques chirurgicaux sont mieux adaptés et protègent des postillons, on peut les réserver aux soignants qui sont à distance. Je préfère voir les citoyens avec un masque en tissu que de les voir sans masque faire la queue dans les espaces publiques

Nous devons imaginer un mode de confinement mobile individuel avec un usage systématique de masque dans les bureaux, les marchés, les supermarchés, etc.

Et qu’en sera-t-il du confinement général pourtant prôné ailleurs ?

Je pense qu’il faut d’abord beaucoup réfléchir aux dimensions sociales et économiques ! Pour l’heure, envisageons le port de masque à la Hong-kongaise comme alternative au confinement généralisé dont je me demande s’il est viable pour notre pays.

Les ravages sur le plan économique et le drame social doivent être pris en compte dans la mise en œuvre du confinement généralisé. Il va falloir arrêter toute activité économique, arrêter toute activité professionnelle. Ces mesures ne me semblent pas soutenables au-delà d’un nombre limité de jours.

Or, le combat sera long et difficile. Le virus, nous le vaincrons à l’usure.

A la place du confinement généralisé, la population doit adopter et généraliser le port systématique de masque comme forme de confinement individuel. A mon avis, il convient d’inonder le Sénégal de masques et généraliser leur usage à la place du confinement. Un masque fut-il de mauvaise qualité est la barrière physique la plus évidente pour faire barrage à la propagation du virus. Il sert à protéger les autres du virus si on est porteur. Les chauffeurs de taxi qui portent les masques peuvent se faire contaminer si leurs passagers n’en portent pas. Un médecin qui consulte un malade est mieux protégé si c’est le malade qui porte le masque et c’est encore mieux si les deux en portent.

« Je suis convaincu que le modèle de gestion de la crise réalisé par Hong kong prouve que si une population dans sa totalité adopte le port systématique de masque comme forme de confinement individuel alors la propagation du virus peut s’arrêter ! »

 

Il nous faut nous inspirer de Hong kong où le port du masque est être considéré comme un « acte citoyen d’intérêt collectif ». C’est ainsi que nous devons tous nous considérer, c’est-à-dire comme des porteur potentiels afin de nous protéger les uns les autres. Cela passe par le port du masque. Arrive ensuite le lavage systématique des mains avec du savon. C’est là, le deuxième acte citoyen d’intérêt collectif.

Il y a un besoin urgent de subventionner les masques, de stimuler leur production et de les distribuer gratuitement. Comme à Hong kong, c’est le confinement individuel mobile que nous devons privilégier en assurant la généralisation du port de masque. C’est ce qui va qui va réduire la propagation du virus en amont. Je suis convaincu que le modèle de gestion de la crise réalisé par Hong kong prouve que si une population dans sa totalité adopte le port systématique de masque comme forme de confinement individuel alors la propagation du virus peut s’arrêter ! Il ne sert à rien de réinventer la roue. 

Le dépistage massif n’est-il pas aussi une possibilité pour optimiser la prévention et diminuer la propagation ?

Diagnostiquer, dépister, traiter ! C’est le triptyque. Il faut aller vers un port systématique de masque dans les lieux publics. Aller vers ce qui peut revêtir un confinement mobile et individuel par une systématisation des masques, avec un respect strict des mesures dictées par le personnel médical pour une mise en œuvre correct de la distanciation sociale. Il faut envisager rapidement un dépistage à grande échelle pour dépister les porteurs sains, les isoler des non porteurs et assurer le port de masques systématique. Enfin, il confiner et traiter les malades. Tout en pensant à motiver le personnel médical, parce qu’il faut dès à présent envisager le scénario du pire, et par conséquent éviter et au mieux, que le personnel ne soit contaminé et, enfin, créer un dispositif de réanimation efficace.

Maderpost

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